Le notaire et l'état civil international

La fraude croissante en matière d’Etat civil, dans le monde réel et dans le monde numérique, ne peut plus être ignorée par la profession. L’augmentation de la circulation de faux actes de l’état civil étrangers, a d’ailleurs été constatée depuis plus de quinze ans par la Commission internationale de l’état civil. A ce titre, l’Assemblée générale de la CIEC a émis une recommandation relative à la lutte contre la fraude documentaire en matière d’Etat civil le 17 mars 2005.

 

La problématique est d’autant plus ardue qu’elle recoupe à la fois, des questions de forme des actes de l’état civil que des questions de connaissances des droits étrangers.

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source : CIEC
Recommandation de l'AG de la CIEC, du 17 mars 2005, relative à la lutte contre la fraude documentaire en matière d état civil.
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L’ACTE D’ETAT CIVIL ET SA FORME

 

La notion d’état civil

 

A la lecture des travaux réalisés par la Commission internationale de l’Etat civil, il ressort que la notion d’état civil est une notion à géographie variable.

 

Tout d’abord, elle ne comprend pas toujours les mêmes éléments. Par exemple, selon les pays, certains faits ou évènements seront ou ne seront pas reportés sur les actes de l'état civil, telles la religion, la nationalité, la filiation adultérine ou la question des « mères porteuses ».

 

Parfois, la notion d'état civil ne recouvre pas la même réalité. A titre d’exemple, certains pays ne reconnaissent que la filiation paternelle juridique (présomption simple de paternité du mari en droit français) et d’autre unqiuement la filiation paternelle biologique (droit anglais)

 

Enfin, l’acte de l’état civil est conçu de façon très différente, en fonction des pays. Carte d’identité complète en France, où l’acte de naissance comprend des mentions en marge relatives au mariage, au divorce, à la capacité ou au décès ; l'acte de naissance est une simple photographie immuable de la situation de la personne au jour de sa naissance, en Angleterre. Acte individuel en France, l’acte de naissance est un acte « collectif » en Turquie, car issu d’un registre de famille

 

La problématique de la valeur probante des extraits d'acte étranger

 

L’article 47 du Code civil français, pose une présomption simple :

« Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. »

 

Bien sûr le notaire exigera sa traduction et sa légalisation. Toutefois, afin de faciliter la circulation des actes sur le plan international, la France a signé de nombreuses conventions allégeant le dispositif de la légalisation (dispense totale ou apostille).

 

Or, la légalisation est une simple formalité administrative, elle correspond exclusivement à une certification matérielle et non à un certificat de validité ou de conformité de l’acte, à la loi étrangère.

 

En effet, celle-ci est définie par le législateur français comme « une formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l’acte a agi et, le cas échéant, l’identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. ». (Article 2 du Décret n°2007-1205 du 10 août 2007 relatif aux attributions du Ministre des affaires étrangères, des ambassadeurs et des chefs de poste consulaires en matière de légalisation d’acte (JO 12 août 2007).)

 

La Commission internationale de l’état civil souligne dans sa recommandation relative à la fraude ci dessus relatée, les limites liées à la légalisation. Elle attire l’attention des Etats membres sur le fait qu’un acte même légalisé, peut être frauduleux.

LA CONNAISSANCE DES DROITS ETRANGERS

 

A cette difficulté liée à la forme, s’ajoute celle de la connaissance des droits étrangers. En effet, selon les règles de droit international privé français, l’état et la capacité des personnes sont régis par la loi nationale des parties. Dès lors, à la preuve de l’état civil, doit se joindre la nécessaire connaissance des droits étrangers pour le notaire. Cette connaissance elle-même se dédouble, car elle inclut la connaissance du droit international de ces États. La tâche est alors ardue.

 

C’est pourquoi, depuis quelques années maintenant, les notaires européens ont pris conscience de la nécessité d’accéder à la connaissance des droits étrangers. (Voir notamment Maître REYNIS « Notariats européens : défis et ambitions », Defrénois, 2009, art. 38988, p.1654)

 

À ce titre, il a notamment été créé :

 

-       un Réseau notarial Européen (RNE) dont l’objectif n’est pas de fournir des conseils juridiques mais de permettre aux Notaires européens d’obtenir des informations théoriques et pratiques, sur une législation étrangère.

 

-       Le Conseil de l’Union a pour sa part, crée un site internet dénommé « e-justice » (e-justice.europa.eu) qui fournit des renseignements juridiques sur les droits des autres Etats de l’Union, portant tant sur les règles de fonds que sur les règles procédurales.

 

-       Sans oublier le Réseau Judiciaire Européen (RJE) crée en 2001, ou le conseil des notariats de l’Union européenne (CNUE), crée en 1993.

 

À l’échelle mondiale, les notaires se sont également regroupés aux fins notamment de développer leur coopération, de favoriser et d’améliorer la pratique notariale ou encore de réaliser des travaux juridiques en commun. Ont été créés l’Union internationale du Notariat Latin (UINL : www.uinl.org), l’Institut de recherche et d’étude notarial (IRENE www.irene.org) ou encore l’Association du notariat francophone (ANF www.notariat-francophone.org).

 

Le notariat français a d’ailleurs proposé dès 2005 la création d’un certificat de coutume européen.. (101ème congrès des Notaires de France, 2005, travaux de la 3ème commission) Doté d’une force probante identique au sein de l’Union, il permettrait d’accéder à une information fiable sur les droits d’un autre État membre.

 

Dans le domaine de l’état civil, la France a signé de nombreuses conventions internationales dont les objectifs sont d’unifier les règles de conflit de loi, de faciliter la circulation des actes de l’état civil et d’uniformiser leur présentation.

C'est pourquoi, le travail, encore trop méconnu, réalisé par la Commission internationale de l'Etat civil est fondamental et mérite d'être élargi à d'autres espaces que l'Europe.