AUSTRALIA

Good day !

Oui bien sûr, on a tous en tête quelques clichés sur l’Australie : la terre rouge, le soleil jaune et la mer bleue. Et oui bien sûr : la terre est parfois rouge, le soleil est souvent jaune et la mer est toujours bleue.

 

Mais l’Australie c’est tellement plus !

Que de rencontres et d’échanges ! A la mesure de ce gigantesque pays qu’est l’Australie, j’ai eu la chance d’échanger avec de nombreuses personnes autour de mon projet « Notaires sans frontières ». Dans le désordre :

 

Deux juristes françaises expatriées, qui m’ont raconté leur expérience et m’ont aidée dans mes recherches  sur le droit australien :

Maître Cali BALDWIN, Solicitor à SYDNEY dans un cabinet d’avocats spécialisé en droit des assurances.

Maître Sandrine ALEXANDRE-HUGUES, Barrister à SYDNEY, spécialisée en droit international. Elle est également la présidente de la « French australian lawyer society ». www.french-australian-lawyers.com

Monsieur Olivier LE VAN XIEU, Consul adjoint de France au Consulat général de Sydney, ainsi que Madame Jocelyne PAYANDI chargée des affaires notariales et Madame Brigitte SCHAAL chargée de l’état civil.

J’ai passé une demi-journée très enrichissante et instructive au Consulat général de France à Sydney. Je les remercie chaleureusement. L’échange a été réalisé dans les deux sens : j’ai répondu à leur question sur l’authenticité et ils m’ont parlé de l’état civil consulaire et de l’état civil australien.

 

Maître Michael BULA, notamment public Notary et solicitor à MELBOURNE (office), CANBERRA et au VANUATU, consul général du Sénégal en Australie et ancien président de la " The Society of notaries of Victoria"  http://www.mbsols.com.au

Maître BULA est tout un personnage ! Elégant dandy à l’italienne, volubile et passionné, quadrilingue, consul et amateur d’art dramatique : il s’impose comme un juriste atypique.

Son Etude ? Un décor : parquet, canapé Chesterfield et cheminée, mur en brique, amoncellement de souvenirs de voyage et affiches de pièces de théâtre sur les murs.

Ses ambitions ? Dynamique international lawyer, Maître BULA est un ardent défenseur de la profession qu’il souhaite faire progresser. Il espère ainsi également que le notariat australien pourra adhérer à l’Union internationale du Notariat. Il coopère déjà avec des Notaires français via le réseau MONASSIER.

 

Maître Paul CARISS, Public Notary et sollicitor à MELBOURNE et Président de "The Society of Notaries of Victoria",  http://www.carissnotary.com.au/.

 

Maître Peter ZABLUD, Public Notary, solicitor et professeur de droit à MELBOURNE, spécialisé en droit notarial. Dans son Etude, entouré de ses deux chiens, il m’a accueilli et m’a très gentiment offert un exemplaire de son ouvrage sur le notariat. http://www.melbournenotary.com.au

 

Maître Joseph LUKAITIS, public notary et solicitor à MELBOURNE. Si vous avez besoin d’un notaire parlant Lituanien : vous l’avez trouvé en la personne de Maître LUKAITIS http://www.lukaitislawyers.com.au

 

J’ai passé une demi-journée à parler à bâtons rompus avec Maître BULA et CARISS : au sujet des notaires, de l’avenir de la profession, de l’état civil, de l’acte authentique, de la France, de l’Australie ! Quel échange ! Puis, nous avons déjeuné avec Maître ZABLUD et Maître LUKAITIS, tout en parlant encore du notariat.

 

Histoire

 

Avant toutes choses, il faut faire un point historique. Ancienne colonie britannique, l’Australie devint un territoire indépendant le 1er janvier 1901, date à laquelle la fédération des colonies fut achevée. Le Commonwealth d'Australie naquit en tant que dominion de l’Empire britannique. Toutefois, le système juridique australien demeura dépendant du parlement du Royaume Unis au titre  du Commonwealth of Australia Constitution Act 1900.  A ce titre, la Constitution du Commonwealth d'Australie (toujours en vigueur) est une loi du Parlement britannique. Il fallut attendre la Loi australienne de 1986, votée par le Parlement du Royaume-Uni ainsi que par ceux du Commonwealth et des États, pour que l’Australie obtienne l’indépendance législative ! On comprend alors que le modèle de pensée juridique est fondé sur la tradition de la common law britannique. Cette influence est remarquable, tant au niveau du droit de l’état civil que du « notariat ».

 

 Etat civil

 

L’Australie est un État fédéral, constitué de six États et deux Territoires, jouissant de pouvoirs législatifs. Théoriquement, l’Etat fédéral a compétence pour légiférer dans le domaine du droit de la famille (article 51 de la Consitution) : le family law act 1974 ou le mariage act 1961 sont applicables sur l’ensemble du territoire.

 

Les Etats fédérés/Territoires quant à eux, légifèrent notamment dans le domaine de l’état civil. Chacun des Etats/territoires dispose de son propre births, deaths and marriages act. L’état civil n’est donc pas centralisé : chaque Etat/territoire dispose de ses propres registres.

 

Néanmoins, ce partage de compétences n’est pas aussi évident. Le pouvoir législatif de l’Etat fédéral est encadré par l’article 51 de la Constitution, qui ne vise expressément dans le domaine du droit de la famille que : le mariage, le divorce, l’autorité parentale et la garde des enfants. Par conséquent, les Etats fédérés/territoires ont légiféré:

 

·         dans le domaine du couple non marié : partnership act,

 

·         dans le domaine de la filiation ( PMA et gestation pour autrui) : parentage act.

 

La loi relative au mariage homosexuel votée par l’Australian Capital Territory ( ACT) a été logiquement annulée par la Haute Cour en décembre 2013, le mariage relevant de la compétence de l’Etat fédéral.

 

EXTRAIT

"Whether same sex marriage should be provided for by law is a matter for the federal parliament," it said in a statement.

"The Marriage Act does not now provide for the formation or recognition of marriage between same-sex couples. The Marriage Act provides that a marriage can be solemnised in Australia only between a man and a woman," it added.

 

Malgré des lois différentes, on constate que les règles relatives à l’état civil disposent de points communs. A titre d’exemple :

 

-       L’acte de naissance est une photographie de la situation de la personne au jour de sa naissance : il n’y a pas de mention en marge, (comme en Grande Bretagne)

 

-       Il est aisé de modifier son nom ou son prénom : aucune intervention judiciaire n’est requise,

 

-       La cérémonie du mariage ne doit pas se tenir impérativement dans les locaux de l’état civil : elle est en fait très peu encadrée. Il existe même une profession atypique de «  célébreur de mariage »  en anglais «  wedding celebrant ». C’est une personne, religieuse ou laïque, autorisée par l’Etat fédéral après un enregistrement et une formation, à célébrer un mariage. Dès lors, vous pouvez célébrer votre mariage là où vous le souhaitez, selon les formes que vous souhaitez, dans le respect bien sûr des quelques règles posées par la loi de 1961. Il s’occupe également de l’ensemble des démarches administratives et notamment de l’enregistrement du mariage et de l’obtention de l’acte de mariage auprès du « registrar office ».

 

Existe-il un statut personnel pour les aborigènes ?

Les britanniques rejetèrent à l’époque toute possibilité de reconnaissance du système juridique aborigène existant. Par conséquent, les aborigènes ne disposent pas à ce jour de règles juridiques propres dans le domaine du droit de la famille, comme cela est le cas en Nouvelle-Calédonie pour les peuples mélanésiens.

 

 Le public Notary : L’influence anglaise est indéniable.

 

Il n’y a malheureusement pas d’archives relatives aux premiers notaires australiens. Une loi anglaise de 1533 (ecclesiastical licenses act) donnait pouvoir aux autorités anglaises de nommer les Notaires sur le territoire et dans les colonies. Selon Maître ZABLUD, il est fort probable que les premiers notaires australiens furent nommés par le gouverneur, celui-ci disposait par lettre de patente de ce pouvoir.

 

Il semble toutefois, que cette nomination se limitait aux Territoires du Sud et du Nord. En effet, c’était l’Arshibishop (homme d’église) de Canterburry qui nommait les Notaires dans tous les autres Etats, et ce, jusqu’à un temps très proche ! Temps non révolu d’ailleurs, pour les notaires du Queensland.

 

Ce sont les Etats fédérés/Territoires qui ont légiféré en matière de notariat : il y a huit « notary act » en Australie. Par conséquent, on constate quelques différences entre les notaires des différents Etats/Territoires quant à la formation, la nomination ou les pouvoirs. Il n’y a d’ailleurs pas d’uniformisation du titre, tantôt on parle de public notary tantôt de notary public. Toutefois, la profession de notaire dispose de nombreux points communs. En ce sens, le Professeur ZABLUD a donné une définition commune à tous les Etats/Territoires, d’un notaire australien.

 

Un notaire australien est un juriste praticien dont l’unique devoir dans le système juridique est la confiance et la fidélité. Parmi d’autres choses, il dispose du pouvoir et de l’autorité, reconnus au plan international d’établir des certificats de droit australien, de préparer des actes et d’autres instruments juridiques, tous authentifiés par sa signature et son sceau, de façon à ce qu’ils soient reconnus par les autorités judiciaires ou toutes autres autorités publiques dans le pays dans lequel ces documents doivent être produits. ( ceci est ma traduction du texte suivant, non autorisée par Maître ZABLUD :« In Australia, therefore, a notary is a practising lawyer who holds a unique office of trust and fidelity within the legal system, and who among other things, has the internationally recognised power and authority to prepare certificate of Australian law, and deeds and other instruments of all kinds, authenticated by his her signature and official seal, in a manner which renders them acceptable to the judicial or other public authorities in the country in which they are produced. »Peter ZABLUD, Principles of notarial practise, p37)

 

Le législateur en Tasmanie, Western Australia and Northen Territory a expressément affirmé, à défaut de définir la notion même de notaire, que les pouvoirs et l’autorité du notaire sont les mêmes que ceux d’un notaire au Royaume Unis. L’influence est indéniable.

 

Par ailleurs, la Cour Suprême a posé une règle générale en 2003, selon laquelle seul un juriste dispose de la capacité d’être nommé notaire. En effet, la Cour considère qu’il est essentiel que les notaires disposent d’une formation et d’une qualification juridique suffisante pour leur permettre d’exercer efficacement et effectivement leur fonction. A titre de contre-exemple un Public Notary des Etats-Unis, n’est pas un juriste. Le titre ne fait pas le Notaire !

 

Il se distingue en cela également des Justices of the peace. En effet, un justice of the peace est une personne de bonne réputation dans la communauté qui a été autorisée à certifier des documents, une signature ou un témoignage. Ce peut être un médecin, un pharmacien, un boulanger, un avocat : ce n’est donc pas nécessairement un juriste. En outre, cette certification n’est valable qu’en Australie, alors que les notaires agissent essentiellement dans le domaine de l’international. Les notaires exercent leurs fonctions uniquement en vue d’une utilisation à l’étranger de leurs documents.

 

Peter ZABLUD écrit d’ailleurs « As a general rule, the powers and functions of australian notaries are applied solely for international purposes. » (Peter ZABLUD, Principles of notarial practise, page 26).

 

En effet, acquérir, donner, succéder, hypothéquer ne nécessitent pas l’intervention d’un notaire.

Existe-t-il un acte authentique en Australie ?

 

Question récurrente qui s’est posée au cours de mes entretiens, tant avec les notaires qu’au Consulat de France à SYDNEY.

 

Les premiers, s’interrogent sur leur profession par rapport au notaire de droit continental.

 

Le second, s’interroge sur la possibilité de recourir à un juriste local. En effet, compte tenu des distances, il est parfois très difficile et coûteux de parcourir des milliers de kilomètres pour se rendre au Consulat Général de France à SYDNEY. Le Consulat Général s’interroge sur la possibilité de recourir à des juristes locaux afin de régulariser des actes authentiques (essentiellement des procurations), et surtout si cette option garantit au citoyen français la reconnaissance en France de l’acte signé en Australie.

 

Afin de répondre à cette question, il convient d’analyser la définition d’un acte authentique. Un acte authentique se définit de façon générale, comme un acte dressé par un officier public dans les formes requises et qui dispose à ce titre, d’une date certaine, d’une force exécutoire autonome et d’une force probante exceptionnelle, portant tant sur la signature que sur le contenu de l’acte. (article 1317 du Code Civil).

 

Les systemes de common law, en raison de leur histoire et de leur système juridique (notamment celui de la preuve) ne connaissent pas l’acte authentique au sens latin. Les juristes anglais ont admis que les actes notariés ne répondent  pas à cette definition. (En ce sens : Messieurs BROOKS et CLAMECY).

 

En effet :

 

-       Quant à la force probante : le notary certifie la signature, l’identité, la présence des parties ( il engage sa responsabilité), éventuellement la bonne comprehension du document par les parties. Toutefois, l’acte en lui même n'a pas toujours une valeur supérieure à un témoignage ou à un acte sous seing privé. Par ailleurs, il peut être contesté devant un juge, selon une procedure plus simple et beaucoup moins dangereuse que l’inscription en faux en écriture publique. Pour rappel, en France si le demandeur échoue dans la preuve de la falsification de l'acte authentique, il devra non seulement payer des dommages et intérêts compensatoires, les depends mais également une amende.

 

-       Quant à la force éxectutoire : Le droit anglo-saxon ignore le concept de « titre exécutoire » basé sur un simple acte notarié. Seule une décision de justice peut être éxecutoire de plein droit. 

 

Dès lors, l’acte notarié de common law n’est pas un acte authentique au sens latin. Cette analyse ne vise pas à remmettre en question la qualité juridique des notaires de common law. Comme on l’a mentionné : un notaire australien doit être un juriste. Il ressort simplement que le système de common law auquel appartient l’Australie est un système different, qui ne connait pas l’acte authentique.

 

Quelles solutions proposer aux citoyens français ? - Face à cette difficulté, des solutions pratiques ont été proposées.

 

Une Réponse ministérielle de 1989 a apporté une solution concernant le Royaume-Uni, où les fonctions notariales consulaires ne sont plus exercées. Il en ressort que les public notaries  peuvent dresser des procurations authentiques, valables en France, « (…) dans la mesure où un « notary public » du Royaume-Unis peut être assimilé mutatis mutandis à un officier public (…) ». Il est donc admis en droit international privé que l’équivalence recherchée est d’ordre fonctionnel et non d’ordre organique.

(Rép. min. n° 17784 ; JOAN q. 18 décembre 1989, p. 5586.)

 

Quant aux Notaires français, ils ont proposé une ligne de conduite, conscients des difficultés rencontrées par les citoyens. Celle-ci a été rendue publique, via une brochure consultable sur internet[1].

 

 Les notaires français considèrent que le document établi par un juriste local peut être utilisé en France, si et seulement si le Notary  étranger est également un lawyer en mesure d'expliquer l'acte au client. Ils précisent en outre que « si l’acte est établi en français, le rédacteur devra attester qu’il comprend la langue française, que l’acte a été lu et traduit et que le juriste a répondu aux diverses interrogations. Si l’acte est établi en langue anglaise, les termes utilisés par le rédacteur doivent démontrer que son rôle ne s’est pas limité à certifier des signatures. »

 

Il semble que les Notaries australiens puissent remplir cette tâche, d’autant plus que depuis quelques années ils cherchent à se rapprocher du notariat latin, notamment dans l'Etat de VICTORIA. En effet, ils ont réorganisé leur profession  en la rapprochant du Notaire de civil law : nomination par une autorité publique, formation en droit notarial en plus de leur formation de sollicitor, encadrement de leurs honoraires, code de déontologie, existence d'une chambre des notaires de Victoria " The Society of Notaries of Victoria". Ils ont également créé des liens avec l’Union Internationale du Notariat.

 

Toutefois, à ce jour le juge ne s’est pas encore prononcé sur le sujet. Nul ne peut prévoir quelle sera sa position. C’est pourquoi, face au risque de nullité de l’acte et de la mise en jeux de leur responsabilité, certains notaires refusent de recevoir des actes français avec des actes établis à l’étranger.

 



[1] « Etablir une procuration à l’étranger » Guide juridique des français de l’étranger, Notaires de France, février 2011 ; « Comment établir un acte authentique à l’étranger », Guide juridique des français de l’étranger, Notaires de France, février 2011. Consultables sur le site www.notaires.fr .

 

Hips of thanks pour tous ces échanges très enrichissants !