Bonjour NOUMEA !

Mais où se situe la Nouvelle-Calédonie ?

 

La Nouvelle-Calédonie, est une île de l’Océan Pacifique située à 19 000 kilomètres de Paris. Elle se compose de plusieurs îles et est divisée en trois provinces : la Province Nord (dont le siège est à Koné), la Province Sud (Nouméa) et la Province des îles Loyauté (Lifou). En 2012, environ 265 000 habitants peuplaient ce territoire, et se décomposaient comme suit :

-          30 % de la population est d’origine européenne,

-          plus de 40 % de la population est d’origine mélanésienne,

-          un peu moins de 10 % est originaire de Wallis-et-Futuna.

 

Source : recensement 2009 par l’Institut national des statistiques et des études économiques (INSEE).

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Eaux cristallines, sable blanc, récifs coralliens multicolores, faune et flore exubérantes : la Nouvelle Calédonie est un petit paradis sur terre.

 

ZOOM : un peu d’histoire pour comprendre

 

« La Nouvelle-Calédonie figure parmi les territoires ultramarins dont le rattachement à la France n’est intervenu que tardivement, en 1853. Dotée d’un statut de territoire d’outre-mer dès 1946, cette île pourvue de richesses naturelles et minérales exceptionnelles – dont des gisements de nickel parmi les plus importants au monde – a connu d’importantes tensions politiques à partir des années 1980, du fait de l’émergence d’une revendication indépendantiste kanak.

 

Après plusieurs années d’instabilité et de violences, l’État s’est efforcé de rapprocher les points de vue des grandes formations politiques « loyalistes » et indépendantistes, qu’étaient alors le Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR) d’une part, et le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) d’autre part.

 

La signature par les représentants du RPCR, M. Jacques Lafleur, et du FLNKS, M. Jean-Marie Tjibaou, les 26 juin et 20 août 1988, sous l’égide du Premier ministre Michel Rocard, des accords dits « de Matignon », a scellé ce rapprochement, lequel s’est traduit par la mise en place d’institutions provisoires dans l’attente d’un référendum d’autodétermination prévu dix ans plus tard. En 1998, les forces politiques locales ont considéré que cette échéance était prématurée et ont unanimement décidé de conclure un nouvel accord. Au préalable fût réglé le problème minier, grâce aux accords de Bercy du 1er février 1998.

 

Fruit de ce consensus local, l’Accord de Nouméa, signé le 5 mai 1998, a jeté les bases d’un socle commun sur la question du rééquilibrage économique du territoire et du renforcement progressif de son autonomie institutionnelle pour une période d’une vingtaine d’années. Cet accord a été approuvé à 72 % par la population néo-calédonienne lors de la consultation du 8 novembre 1998.

 

Traduisant, dans notre droit, les orientations contenues dans l’Accord de Nouméa, la Loi organique du 19 mars 1999 a doté la Nouvelle-Calédonie d’un statut institutionnel « sur mesure » et unique en son genre, qui aujourd’hui encore perdure.

 

Cependant, en application de l’Accord de Nouméa et de l’article 217 de la loi organique statutaire, le congrès du territoire devra décider après mai 2014, à la majorité des trois cinquièmes, de la consultation, qui devra intervenir au cours du même mandat – soit avant 2019 – sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie. Si cette loi du pays n’est pas votée en mai 2018, cette date, ainsi que les modalités de la consultation, seront fixées par décret en conseil des ministres. »

 

Source : Rapport n° 1381 de M. René Dosière : rapport commun au projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer et au présent projet de loi organique portant actualisation de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

 

La Nouvelle-Calédonie : une construction institutionnelle originale

Ou le retour en 1ère année de droit

 

Oui, en tant que juriste, nous avons étudié et appris en 1ère année de droit que la Nouvelle-Calédonie dispose d’un statut particulier, régit par un chapitre de la Constitution française.

Oui, nous le savons… Les publicistes auront approfondi, les privatistes se seront bien souvent arrêtés là. Comme moi, je le reconnais.

 

Je suis donc retournée sur les bancs de l’université grâce au professeur Mathias CHAUCHAT. Je me suis replongée dans un ouvrage passionnant sur l’histoire et les institutions de l’île, j’ai regardé des vidéos conférences sur le système juridique en Calédonie et je suis allée à la bibliothèque universitaire de Nouméa afin de compléter mes connaissances. En outre, Monsieur Etienne CORNUT, Maître de conférences à l’Université de Nouméa m’a reçue et éclairée sur la notion de coutume et sur la problématique du conflit de loi en droit interne. Quelles découvertes !

 

De façon concise et simplifiée en Calédonie :

 

-          il existe une citoyenneté calédonienne reconnue par la Constitution française,

 

-          il y a un Parlement appelé « congrès » qui vote des lois dites « lois du pays » qui disposent de la même valeur juridique que celles votées par le Parlement métropolitain,

 

-          il existe un pluralisme juridique composé de trois strates légales :

·         le droit métropolitain,

·         le droit Calédonien,

·         la coutume.

La Constitution française reconnait l’égalité juridique entre ces différentes sources du droit.

 

-          «  la pleine reconnaissance de l’identité Kanak conduit (…) à prévoir la place des structures coutumières dans les institutions, notamment sur l’établissement d’un sénat coutumier (…) et à adopter des symboles identitaires exprimant la place essentielle de l’identité Kanak dans la communauté de destin acceptée » préambule des accords de NOUMEA

Il existe par conséquent des institutions coutumières, à savoir : un sénat coutumier, des juridictions coutumières, des conseils coutumiers. En outre, la Nouvelle-Calédonie est dotée d’un drapeau.

 

-          Il existe un statut personnel coutumier en matière de droit civil, garanti et protégé par la Constitution et encadré par la Loi Organique de 1999.

Concrètement, cela signifie que le Code civil de 1804 ne s’applique pas sur l’ensemble du territoire français. Les règles relatives à l’état et la capacité s’appliquent en fonction de l’origine des personnes ! Il n’y donc pas qu’en Inde, au Maroc ou en Indonésie qu’il existe des règles différentes dans le domaine du statut personnel : en France aussi !

Etant ici précisé que cela concerne les Kanaks mais également les wallisiens. Et dans une autre mesure, les mahorais à Mayotte.

 

Précision : la notion de coutume

Monsieur Etienne CORNUT précise qu’il ne faut pas appréhender la notion de coutume sous le prisme du droit commun. En effet, la coutume en Calédonie est un usage à valeur obligatoire disposant de la même force juridique que la loi. Il conviendrait selon lui de distinguer :

·         La coutume kanak : secrète et orale,

·         Le droit de la coutume : règles organisant l’application de la coutume et notamment la loi organique de 1999,

·         Le droit coutumier : jurisprudence issue des juridictions coutumières.

 

L’exemple du mariage coutumier

La cérémonie du mariage est un événement clef de la coutume : elle ne concerne pas deux individus mais deux clans. Etant ici précisé qu’un clan est un ensemble de familles, partageant un mythe et une terre, et disposant d’une fonction (clan des magiciens, des pêcheurs, des médecins …). Le clan est titulaire de la personnalité juridique depuis 2011. ( Cour d'Appel de Nouméa)

 

Le mariage consiste à confier à un autre clan la responsabilité de prendre soin d’une femme qui donnera des enfants. D’où, le nom de cette union : « une promesse de don de vie ».

Le clan paternel apporte des ignames (symbole de la puissance du clan paternel) qui sont mangés en gage d’accord. Sont également apportées différentes offrandes.

 

Ce mariage ne peut être rompu que par consentement mutuel, mais par simple déclaration à la mairie.

 

L'exemple de la capacité en droit coutumier

En droit métropolitain, la capacité juridique s’acquiert à l’âge de 18 ans ou bien par autorisation judiciaire (émancipation). En droit coutumier, la capacité n’est pas liée à l’âge mais à un évènement survenu dans la vie d’un individu.

Un état civil dual en Calédonie

 

Art 75 de la Constitution :

« Les citoyens de le République qui n’ont pas le statut civil de droit commun, seul visé à l’article 34, conservent leur statut personnel tant qu’il n’y ont pas renoncé. »

 

Le droit de l’état civil calédonien relève de la compétence du Parlement calédonien, depuis le transfert de compétence prévu par la Constitution et effectif au 1er juillet 2013. A ce jour, aucune loi n’a été votée, par conséquent est appliqué à droit constant le Code Civil.

 

Le droit de l’état civil coutumier est, ainsi que son nom l’indique, régi par la coutume.

 

De cette dualité, découle une dualité des bureaux de l’état civil. En effet, il existe deux types de bureau : celui relatif au droit coutumier et celui relatif au droit dit « commun ». Par conséquent, il existe deux types d’actes de l’état civil qui disposent de la même valeur juridique et de la même valeur probante. Il est mentionné sur les actes coutumiers « ETAT CIVIL DES CITOYENS DE STATUT CIVIL COUTUMIER ».

 

Statut coutumier ou de droit commun : statut immuable ?

Il est possible de renoncer à son statut civil, qu’il soit de droit commun ou de droit coutumier. Cette renonciation, organisée par la Loi Organique de 1999, est constatée par le juge. La nature du statut figure par conséquent sur l’acte de naissance. Toutefois, pour compliquer un peu la donne, la possession d’état peut également être un moyen de preuve de la nature du statut, et contredire ainsi l’acte de d’état civil.

 

Une problématique de droit international en droit interne : le conflit de loi.

Avec le transfert de compétence, se posent des questions relatives au choix de la loi applicable aux personnes et aux rapports juridiques : droit commun, droit calédonien ou droit coutumier. La question était plus simple avant, car il n’existait que deux types de droits. Par ailleurs, la loi organique de 1999 apportait une solution concernant les rapports mixtes, c’est-à-dire dans la cadre de rapports entre une personne de droit commun et une de droit coutumier. Aujourd’hui, le texte doit être revu et modifié afin de tenir compte de l’apparition de ce troisième droit.

Se pose donc notamment la question de savoir :

-          si le droit civil calédonien s’applique à toutes les personnes domiciliées en Nouvelle-Calédonie, ou seulement à celles qui en ont – non pas la nationalité – mais la citoyenneté (ou le statut civil calédonien) ?

-          Quel droit appliquer en cas de rapport mixte ?

-          Si le droit calédonien et la coutume s’appliquent également sur le territoire métropolitain ?

 

Dès lors, comme le souligne Monsieur CORNUT, le transfert de la compétence normative du droit civil nécessite de définir des règles de conflits de lois internes. Internes car les normes en conflit sont toutes de sources reconnues par la Constitution française.

 

Le Notaire en Nouvelle Calédonie

http://www.notaires-associes.nc/

 

Maître Philippe BERNIGAUD m’a reçue dans son Etude notariale pendant une matinée, le 24 décembre dernier. Créée en 1966, l’Etude est à ce jour la 4ème du territoire, dispose d’une annexe à KONE, se compose de 27 salariés et de deux associés : Maître BERNIGAUD et Maître BERGEOT.

Pas de difficulté : le droit métropolitain s’applique aux notaires. Un notaire calédonien est identique à un notaire métropolitain quant à sa formation, aux conditions d’installation et d’exercice de la profession.

 

En revanche, des problématiques différentes se posent.

 

Tout d’abord, eu égard au droit coutumier. A ce jour il y a : deux droits des successions (coutumier/droit commun), des règles coutumières différentes applicables aux donations et testaments, des problématiques en cas de couples mixtes (coutume/droit commun). Par ailleurs, sur le territoire calédonien, il existe deux types de biens immobiliers (coutumier/de droit commun).

Etant ici précisé que par principe, le notaire n’est pas compétent pour régler une succession soumise au droit coutumier : seules les autorités coutumières ont compétence.

 

Ensuite, il existe des spécificités eu égard au principe de spécialité.  En vertu de l’article 6-2 de la Loi organique de 1999, « Dans les matières qui relèvent de la compétence de l’Etat, sont applicables en Nouvelle Calédonie les dispositions législatives et règlementaires qui comportent une mention exprès à cette fin. (…) »

 

Or, il s’avère que le législateur métropolitain « oublie » parfois de préciser si les dispositions s’appliquent ou non à la Calédonie… Ce qui peut créer quelques doutes et difficultés. A titre d’exemple, le changement de régime matrimonial est encore totalement judiciaire sur l’île, alors que sous certaines conditions, en métropole, l’intervention du juge n’est plus requise. Afin de faciliter le travail des juristes, il a été établi une version du Code civil applicable à la Nouvelle-Calédonie (consultable sur le site www.juridoc.gouv.nc ).

OLETI ! ( merci en Iaai, dialecte de l'Ile d'Ouvéa)